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Interview de Sophie Morfaux : L’art de conduire le changement - Repenser la communication pour mobiliser et transformer

Interview de Sophie Morfaux : L’art de conduire le changement - Repenser la communication pour mobiliser et transformer

Bonjour Sophie, pourriez-vous nous parler de votre parcours dans le domaine de la communication et des moments clés qui ont façonné votre carrière?

Mon parcours a commencé par le goût de l'enquête et du journalisme. J'ai toujours aimé comprendre les choses. J'ai fait une école de communication et de journalisme et je me suis finalement bien retrouvée dans la communication interne. Je me sentais journaliste interne avec la volonté d'informer les employés de ce qu'il se passait dans leur entreprise.
Les opportunités m'ont mené à me spécialiser dans ce domaine. Puis, dans l'un de mes postes, j'ai eu à accompagner le changement pour le secteur R&D dont j'étais responsable. Je trouvais cela vraiment intéressant, car cela demandait une réflexion bien plus stratégique et globale.
Mais c'est en arrivant à Québec en 2011 que j'ai réellement exercé le métier de conseillère en gestion du changement. Un métier intéressant, mais pavé de formules d'échecs. On est souvent coincés avec peu de marge de manœuvre. Alors, en 2020, j'ai démissionné pour me mettre à mon compte et avec l'intention d'offrir aux entreprises une meilleure façon d'accompagner leurs changements. Aujourd'hui, cela fait 4 ans que mon activité tourne autour du conseil et des formations pour développer la capacité des équipes projets à accompagner le changement de manière autonome.
Après 13 ans de vie au Canada, je suis revenue vivre en France cet été et cette année, j'ai décidé de formaliser ma démarche que j'utilise depuis des années dans un modèle et une marque déposés : ENGAGE-O.

En tant que leader dans le secteur de la communication, comment définissez-vous votre approche du leadership et du management dans un environnement en constante évolution?

L'erreur que l'on fait souvent, c'est de considérer la conduite du changement comme une série d'activités que l'on va ajouter à un projet. Cette façon de faire a pour effet que l'accompagnement au changement est délégué à des experts ou des consultants. Or, cela ne peut pas se déléguer. Car ce qui est important, c'est la manière dont on va traiter les autres à travers le changement. Ce qui compte, c'est l'écoute des perspectives des gens sur le terrain, c'est la communication et le dialogue, ce ne sont pas les activités d'analyse ou de stratégie.
Aussi, je crois fermement que la conduite du changement doit être abordée comme une compétence que chacun doit développer. Toute personne impliquée dans un projet doit développer sa capacité à accompagner les autres à changer. Cette compétence, c'est ce que l'on appelle le leadership du changement.
Aujourd'hui, ce que j'ai formalisé dans un modèle, des principes pour favoriser la mobilisation des équipes et développer le leadership du changement des équipes projet.

Quel a été le plus grand défi en matière de management auquel vous avez été confrontée dans votre carrière, et comment l'avez-vous surmonté?

Le plus grand problème auquel sont confrontées les équipes change, c'est l'engagement de la direction. On observe souvent que les managers ne sont pas véritablement engagés dans le changement : ils poussent sans donner l'exemple, ils communiquent sans y croire, ils décident sans être convaincus. Mais la source du problème vient directement de la façon dont les experts change travaillent. Ils répondent à des commandes : il faut analyser, proposer des stratégies, communiquer, coordonner. Mais si les experts ont l'entière responsabilité d'un plan, alors c'est normal que les managers ne se sentent pas concernés. Une bonne stratégie est une stratégie pensée à plusieurs. C'est une réflexion collective sur les solutions à mettre en place pour y arriver. Une stratégie pensée par un expert n'a aucune valeur.
Ceci signifie qu'au lieu de prendre la responsabilité du changement, l'expert change doit faciliter, conseiller, coacher pour que les solutions et les plans émergent des personnes concernées. Et c'est là que l'on va pouvoir observer un engagement de la part des gens. 
Aujourd'hui, je ne fais plus de stratégies. Je facilite des ateliers pour que les stratégies et les plans soient pensés par les parties prenantes elles-mêmes.

Comment parvenez-vous à maintenir l'équilibre entre les besoins de communication interne et externe tout en menant des changements au sein de votre entreprise?

La communication, c'est comme une toile de fond. Elle est partout, tout le temps. Ce ne sont pas seulement des infolettres, des courriels, des présentations, ce sont aussi des conversations, des non-dits, des rumeurs. Tout est communication. Aussi, en entreprise, il faut arriver à canaliser le tout, un peu comme une rivière. Parce que de toute façon, l'eau coule, on ne peut pas l'empêcher. On peut juste essayer de la canaliser.
L'accompagnement au changement, c'est principalement de la communication. C'est donner la bonne information à la bonne personne au bon moment. Mais c'est aussi écouter ce que les collaborateurs ont à dire et prendre en compte leurs perspectives. C'est un mélange permanent d'information et de dialogue.

Quels sont les traits de caractère ou compétences clés que vous considérez essentiels pour un leader efficace dans le domaine de la communication?

Arriver à canaliser une rivière demande à la fois une vision globale et un œil avisé. Il faut voir toutes les zones où l'eau s'écoule, prendre conscience des lacs qui se forment et déceler les sillons qui pourraient s'écouler ailleurs.
Orchestrer des communications dans une entreprise, c'est un travail aussi délicat que stratégique. Il faut savoir rassembler les gens, provoquer des conversations, trier les informations essentielles, imaginer des zones de dialogue, etc. C'est un travail sans fin qui nécessite un leadership fort et une pensée systémique importante.

Comment voyez-vous l'avenir du management en communication, notamment avec l'essor des nouvelles technologies et des réseaux sociaux?

Aujourd'hui, on ne parle que des nouvelles technologies et de l'IA qui, soi-disant, vont faciliter la communication. Mais, la communication entre les individus ne peut pas se déléguer, c'est une compétence humaine avant tout. Et le piège, c'est d'oublier, d'apprendre à communiquer et de ne plus savoir comment se parler.
Cela me fait penser à la citation de Bernard Werber :
« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous croyez entendre, ce que vous entendez, ce que vous avez envie de comprendre, ce que vous croyez comprendre, ce que vous comprenez, il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même. »
La technologie ne pourra pas nous aider sur ce sujet. Il faut comprendre comment fonctionne la communication humaine et y mettre le paquet, notamment dans les entreprises. C'est la clé de tout ce que l'on fait.

Quel conseil donneriez-vous à une personne souhaitant évoluer en tant que leader dans le secteur de la communication aujourd'hui?

Pour être leader dans le domaine, il faut non seulement maîtriser la communication interpersonnelle, mais aussi la sociologie des organisations. Pour un leader, ces disciplines sont indissociables et indispensables.

Pour plus d'informations : https://www.morfaux-communication.com/

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